1
Ouverture à l’aventure
Dresde, 2 janvier 1843. Un rivage bordé de rochers à pic. Un ouragan violent secoue les spectateurs, les plongeant dans un drame dont ils ne ressortiront pas indemnes. Un navire norvégien jette l’ancre, puis le mythique vaisseau fantôme fait son apparition, jaillissant de nulle part. Quelques heures plus tard, il sombrera sur la scène de l’Opéra royal pour ne plus se relever.
Depuis cette date, le récit du Hollandais volant ne cesse d’être conté dans les plus grandes institutions lyriques, les versions se succédant les unes aux autres, recouvrant le navire wagnérien d’une série de strates interprétatives. Alors que l’équipage réduit de la Compagnie Opéra.3 s’apprête à proposer une nouvelle lecture de l’œuvre, il importe de l’interroger une nouvelle fois, de partir à la recherche du premier Vaisseau fantôme. Cette quête aura des allures de chasse au trésor : pour remonter aux origines du drame, le musicologue se changera en détective, en quête de témoins et d’indices historiques dans l’atelier naval de Richard Wagner. Nous examinerons la place de l’ouvrage dans la vie du compositeur. Nous verrons aussi que cette œuvre s’inscrit plus largement dans un contexte artistique particulier, où évocations maritimes et légendes fantastiques ne cessent de se croiser. Après avoir déterminé dans quels mythes et dans quelles mers le Vaisseau fantôme a mouillé, nous nous attacherons à reconstituer l’itinéraire du navire disparu, suivant son sillon dans les rouleaux de la partition. Dans cette navigation raisonnée et instinctive, l’oreille sera toujours notre boussole. Ici, nous suivrons les échos d’un chant de marin ; plus loin, nous sonderons les fonds obscurs de l’orchestration.
Ce carnet retracera notre exploration musicale. Quel Vaisseau fantôme serons-nous amenés à découvrir ? Nul ne sait : c’est le charme de la recherche et de l’aventure, toutes deux ouvertes à l’inattendu. Nous ne sommes pas à l’abri d’une errance prolongée entre deux courants musicaux, voire d’une escale forcée dans une œuvre voisine…
Tristan Labouret